SPM – TAAF

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Kerguelen et Saint-Pierre et Miquelon – Projet SPA

Faire face à l’impact. Une ethnographie interdisciplinaire et multi-site de l’évaluation de l’impact environnemental dans la zone côtière.

Le projet SPA (Savoir, Pouvoir, Avoir) (CNRS, 2017-2019, coord. C. Mazé-Lambrechts) se concentre sur la manière dont la société française aborde la question de l’impact environnemental – de son évaluation et mesure à son traitement. Le processus réglementaire de l’« étude d’impact environnemental » qui consiste en l’analyse préalable des impacts potentiels prévisibles d’une activité donnée sur l’environnement est donc placé au cœur de nos préoccupations dans ce projet qui considère l’impact comme un objet frontière, à l’intersection de plusieurs champs, permettant de saisir l’architecture et la dynamique des relations entre savoir (savoir scientifique et profane), pouvoir (pouvoir et décision) et avoir (économie/appropriation).

Pour ce faire, nous avons combiné sciences sociales, sciences de la nature et ingénierie écologique pour saisir les différents intérêts qui s’agrègent autour de la gestion durable des socio-écosystèmes côtiers. Trois sites ont été choisis selon un gradient nord-sud dans des sites de recherche écologique à long terme : la rade de Brest et la mer d’Iroise, la réserve naturelle nationale des îles françaises de l’océan Austral et la collectivité d’outre-mer de Saint-Pierre-et-Miquelon. Cette approche interdisciplinaire, multi-sites et multi-échelles, nous permet de mettre au jour les conditions de possibilité (ou d’impossibilité) de mise en œuvre d’une gestion soutenable des socio-écosystèmes côtiers.

Zones côtières de l’archipel des Kerguelen

Archipel des Kerguelen
Créée en 2006, la réserve naturelle nationale des Terres Australes et Antarctiques Françaises a récemment été étendue à la majeure partie de la zone économique exclusive française (plus de 600 000 km2 de surface océanique) à la suite des engagements pris par la France lors de la réunion «COP 21» de 2015 à Paris. Cette réserve est donc la sixième plus grande aire marine protégée du monde. Il résulte des engagements scientifiques pris envers les comités de gestion et scientifique de la réserve placés sous l’autorité des Terres Australes Françaises. L’objectif de la réserve est de concilier la nécessité de préserver la biodiversité dans les territoires français du Sud-Ouest et l’exploitation des ressources naturelles (principalement la pêche), les activités scientifiques et le tourisme. Ces territoires sont inhabités et les activités humaines sont principalement associées à des projets de recherche scientifique. Le plan de gestion de la réserve établit une distinction entre les zones d’AMP classiques (activités de pêche autorisées) et améliorées (l’exploitation des ressources n’est pas autorisée et des autorisations exceptionnelles sont requises pour que les scientifiques et les touristes puissent accéder à la zone).  Le projet SPA se concentre sur la zone côtière de l’archipel des Kerguelen, située dans la nouvelle AMP. Après plus de deux siècles d’exploitation des ressources naturelles (chasse à la baleine et au phoque, pêche, élevage de moutons et de saumons), les régions terrestres et côtières des îles Kerguelen sont consacrées à des activités scientifiques garantissant la souveraineté de la France au regard des règles maritimes internationales. Les impacts anthropiques relativement faibles sur l’environnement côtier de Kerguelen en font un site stratégique sentinelle pertinent pour évaluer les impacts des changements environnementaux en cours sur les habitats marins dans les régions sub-antarctiques. Les activités de pêche à la légine qui font l’objet de productions scientifiques et de mesures de gestion en vue de la durabilité des écosystèmes, des espèces présentes de mammifères marins et d’oiseaux constituent l’exemple que nous suivons pour identifier les facteurs sociologiques et écologiques rendant possible la mise en oeuvre d’une gouvernance pensée au prisme du concept de socio-écosystème et de mesures de gestion adaptatives

Pêche de légine australe dans les TAAF
© Paul Tixier

Enfin, le troisième cas d’étude est l’archipel Saint-Pierre-et-Miquelon, situé dans l’Atlantique Nord-Ouest, à environ 25 km au large de la côte sud de Terre-Neuve. C’est le lien géographique le plus important entre la France et l’Amérique du Nord et il est maintenu par l’État français pour des raisons géopolitiques et économiques. Tout au long de son histoire, l’archipel a été caractérisé par sa dépendance économique et culturelle aux services de pêche, d’expédition et de ravitaillement de la morue. Cependant, depuis le moratoire sur la morue (le 2 juillet 1992, ministère fédéral canadien des Pêches et des Océans), la fin du modèle économique et social précédent a sapé l’identité du territoire.  Un rapport de la Cour des comptes française de février 2016 analysait l’état de la pêche dans les eaux de l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon et concluait que le secteur socio-économique de la pêche était loin de réaliser son potentiel pour toutes les espèces ciblées, y compris les ressources benthiques comprenant plusieurs espèces d’invertébrés, notamment (Placopecten magellanicus, Cancer irroratus, Chionecetes opili, Homarus americanus, Buccinum undatum, Cucumaria frondosa). Le projet SPA se concentre sur le cas particulier du nouveau plan d’activité de pêche de Cucumaria frondosa, un «concombre de mer», destiné à stimuler l’activité économique de l’archipel. C’est une espèce très populaire sur le marché asiatique actuellement promue par les décideurs, et malgré le problème de connaissances insuffisantes sur l’état des stocks et l’impact négatif potentiel de la drague, ce plan est actuellement promu par les décideurs. Cela concerne l’environnement, ce qui soulève des questions quant à la manière dont les décisions d’autorisation de pêche sont prises, voire à la détermination de l’extension des quotas. Le manque d’informations sur le statut des populations marines, et en particulier de celles benthiques, sur ce territoire constitue un risque pour l’avenir de ces populations et des activités économiques qui en dépendent. Parallèlement, les particularités des conditions hydro-climatiques le long des côtes de l’archipel offrent une occasion rare de tester des théories écologiques in situ sur les réactions biologiques des organismes marins dans des conditions de fluctuation rapide. Ces deux circonstances ont motivé le lancement d’une étude combinée sur la diversité océanographique et biologique en 2017 afin de combler le déficit de connaissances sur les systèmes écologiques de ce territoire. SPA revisite ces travaux scientifiques pour observer et analyser la manière dont les chercheurs, les ingénieurs et les parties prenantes locales comprennent et avancent avec le nouvel ensemble d’informations scientifiques dans la prise de décision en matière de gestion – pour l’heure non durable.